Yann Brys se définit lui-même volontiers comme le « créateur de la technique Tourbillon », un pochage de crème sur tour de potier qu’il a inventé en 2004, depuis largement repris dans le monde entier. Pourtant, Yann Brys est bien plus que le père de ce dressage artistique ! A la tête d’une boutique Tourbillon dans l’Essonne, ce MOF 2011 qui travaille notamment auprès de Dalloyau, dispose également d’un écrin au cœur du XVIème arrondissement de Paris, au sein du récent Hôtel Brach.
Que vous a apporté votre expérience chez Fauchon, auprès de Sébastien Gaudard ?
Une approche différente du goût ! Quand je suis arrivé à Paris, j’avais à mon actif une expérience chez un MOF pâtissier dans le sud, d’où je suis originaire. Mais on n’explorait pas des saveurs très folles. Chez Sébastien, ce qui était très intéressant, c’était la mixité des saveurs : l’utilisation des thés noirs et parfumés, l’association de poivres dans certaines recettes … Tout cela m’a ouvert l’esprit. Par exemple, nous faisions des biscuits à l’huile d’olive, c’était un peu dingue en 1999 !
Vous avez par la suite intégré la brigade de Dalloyau …
Qui sont vos mentors ?
Mon premier patron de pâtisserie, qui était également mon prof au lycée hôtelier, Jean-Luc Danjou, un MOF cuisinier qui m’a sensibilisé à la qualité et à ce que représentait le titre.
Et puis il y a eu Philippe Urraca : c’est chez lui que j’ai commencé le travail en boutique. Et pour la petite histoire, lorsque j’ai gagné le MOF, il était président du jury et c’est lui qui m’a remis la médaille, c’est chouette ! Mais j’ai tant d’autres mentors … Sébastien Gaudard, Christophe Adam, Pascal Niau, Gilles Marchal, … Et puis Nicolas Boussin (MOF Pâtissier 2000) qui est devenu un frère dans le métier.
Quelles sont les différences entre le travail en boutique, dans un grand hôtel ou un restaurant ?
Nous exerçons tous le même métier dans l’approche technique. En revanche, la mise en œuvre des produits est totalement différente car les contraintes ne sont pas les mêmes. En boutique, le transport est une limite à la forme, au visuel, à la 3D du produit. Le produit doit arriver intact chez le client. En restauration traditionnelle, le chemin est moins long, alors on peut se permettre quelque chose de plus fou parce que c’est très éphémère. On peut tester par exemple quelque chose d’un peu sensible, en équilibre, avec du coulant à l’intérieur. Et en hôtellerie, on va explorer plusieurs facettes : un côté un peu « boutique » avec des gâteaux d’anniversaire, des produits pour les chambres, du salon de thé éventuellement, et le dessert à l’assiette.
Quels sont vos autres projets ?
A l’international, je collabore avec une marque qui vient de s’installer à Singapour, « A Summer in Paris », pour laquelle je signe la totalité de la collection. Je vais m’y rendre deux fois par an pour les créations et une gamme de produits spéciale. Ici en France, j’ai une activité assez importante avec Sogeres.
Qu’a changé le titre de MOF dans votre vie ?
Beaucoup de choses, malgré moi. Devenir MOF, c’était un rêve. Je pensais ce concours inatteignable et c’est Pascal Niau qui m’a encouragé à le faire. Quand je l’ai obtenu, j’ai ressenti beaucoup d’émotion car cela représente deux ans de préparation ! Mais j’ai rapidement pris du recul et je me suis dit : « C’est une étape. Je suis MOF mais il y a encore tout à faire ». Je me suis remis en question, j’ai beaucoup travaillé, j’ai affiné les techniques, les créations, les types de goût, les désucrages dans le produit … tout ce qui faisait aller plus loin et faire vivre le MOF, c’est à dire transmettre son savoir.
Quel est votre regard sur l’impact des réseaux sociaux et leur utilisation par les « pâtissiers stars » ?
Aujourd’hui, les réseaux sociaux, c’est un outil de communication indispensable pour donner à voir ce qui n’est pas forcément perçu de l’extérieur, c’est-à-dire notre travail au quotidien, le temps nécessaire pour réaliser un gâteau et cela justifie un prix pour nos clients. Les matières premières que l’on choisit, les outils de travail, tout ceci à un coût. Les pâtissiers en vogue, c’est bien, ça fait communiquer sur notre métier. Mais il ne faut pas être dépendant des réseaux sociaux. La pâtisserie, ce n’est pas aussi simple. Pour ma part, je ne suis aucune mode et je ne sortirai jamais un produit déjà fait par quelqu’un d’autre.
Vous êtes vous-même copié avec les tourbillons …
Les formations de pâtissier sont-elles à la hauteur aujourd’hui ?
Le CAP d’aujourd’hui n’a plus de valeur pour moi, techniquement parlant. Son contenu n’est plus adapté à notre travail au quotidien. Et puis il y a énormément de reconversions et je considère le CAP en 3 ou 6 mois comme une aberration. Moi, ça m’a pris dix ans avant de savoir maîtriser la technique et j’en apprends encore tous les jours ! Et à la fois, toutes ces formations accélérées sont intenses en termes de techniques. Les apprentis sont un peu les commandos de la pâtisserie. Ils voient beaucoup de choses mais on se rend compte qu’ils n’ont fait qu’effleurer le métier. Ça donne une base, mais ça manque de fond.
La pâtisserie tricolore rayonne-t-elle toujours à travers le monde selon vous ?
Nous restons une référence au niveau mondial. Je voyage une dizaine de fois par an, et je peux vous dire qu’il y a une valeur ajoutée à solliciter un pâtissier français. Cette année, je me rends à Hong Kong, en Corée, à Taïwan, à Singapour, au Japon. J’ai observé qu’à part les Chinois qui sont plus sensibles au visuel qu’au goût, les autres pays d’Asie donnent une importance à la qualité et donc à la pâtisserie française.
Parlons pratique … Quel est votre ustensile fétiche ?
Mon laminoir que j’ai énormément utilisé. Je le possède depuis 21 ans et il est toujours nickel. J’ai même passé le MOF avec ! Les embouts sont encore impeccables. A l’hôtel Brach, nous en avons renvoyé un car il ne provenait pas de la maison Matfer. Pour moi, c’est le meilleur du marché. Je suis fidèle à la Maison !
De quand date votre rencontre avec Matfer Bourgeat ?
C’est vieux ! J’étais au lycée hôtelier à Cannes et je travaillais alors dans un très bel hôtel. Comme j’étais déjà passionné de pâtisserie, j’ai pu, grâce à cet établissement, commander du matériel chez Matfer pour l’utiliser chez moi. Notamment un rouleau laminoir que je possède toujours ! C’était vraiment un vrai beau cadeau que je m’étais fait, en 1997.
Qu’évoque la marque, pour vous ?
Avant tout, la qualité des outils et des matériaux. Ensuite, le savoir-faire français. Vous savez, plus on développe et on enrichit nos parcours professionnels, plus on y est sensible. Pour moi c’est très important, ce savoir-faire ancré, la créativité dans le développement. Autant de choses que l’on ignore, avant de rentrer dans l’univers Matfer. C’est encore une valeur ajoutée à la marque. Et puis la Maison m’apporte ce que j’attends de la part de mes fournisseurs, c’est-à-dire fiabilité et pérennité, un standard de qualité constant. Et aussi une notion de service.