Pleins feux sur le Chef Stéphane Glacier et le Chef Fabrice Capezzone, artisans pâtissiers engagés

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Le Chef Stéphane Glacier et le Chef Fabrice Capezzone, artisans pâtissiers engagés avec l’association Tradition Gourmande

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Stéphane Glacier cumule les titres de Meilleur Ouvrier de France Pâtissier 2000 et de Champion du monde 2006, écrit des livres, édite un magazine et œuvre d’arrache-pied dans sa boutique » Pâtisseries et Gourmandises » à Colombes (Hauts-de-seine), où il a également monté une école pour professionnels et amateurs. Fabrice Capezzone, artisan pâtissier-boulanger passionné par le produit et animé par la transmission, est à la tête de deux boutiques à Courbevoie et Puteaux et gère une vingtaine d’employés. Tous deux se définissent avant tout comme des artisans pâtissiers engagés. Animés par les mêmes valeurs, ils défendent, avec une soixantaine d’autres membres, le maintien de l’artisanat via l’association » Tradition Gourmande « , dont Stéphane Glacier est le président.

Stéphane Glacier

Comment êtes-vous arrivé à la tête de Tradition Gourmande ?

Je crois beaucoup à l’échange, car nous sommes tellement étranglés par un tas de normes, de réglementations, que si on ne se regroupe pas, c’est compliqué. Nous sommes des artisans, nos structures sont à taille humaine. Si l’on mécanise trop, on perd du savoir-faire. Dans nos métiers, on peut fabriquer cent gâteaux comme on en fabrique dix, mais on ne peut pas en fabriquer dix-mille comme on en fabrique cent ! La multiplication des points de vente a forcément des conséquences. Ma boutique tourne très fort. Mais si demain j’ouvrais deux ou trois autres boutiques au même volume, je ne suis pas sûr que je maintiendrais le niveau de qualité. Je m’y refuse, c’est un choix, se confie Stéphane Glacier.

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Un état d’esprit que vous exigez de la part de vos fournisseurs ?

Oui c’est certain. Mon école de formation travaille avec Matfer Bourgeat depuis des années. C’est la marque leader du matériel, un rouleau-compresseur dans le métier. Leurs concurrents sont des quincaillers à côté ! Si vous montez un labo de pâtisserie aujourd’hui, c’est une maison incontournable. Tradition Gourmande et Matfer Bourgeat se retrouvent sur beaucoup de choses, notamment le respect de la tradition : eux sur l’équipement, nous sur la méthode… J’accorde une énorme importance au travail bien fait, mais également à la relation humaine. Je ne connais qu’une ou deux maisons avec cet état d’esprit, qui respectent les salariés présents dans l’entreprise depuis 25 ans. Et puis, nous sommes dans un monde de service : la concurrence est telle que le service doit être au niveau du produit.

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Quel regard portez-vous sur les apprentis ?

Je dis souvent que certains jeunes sont passionnés sept heures par jour… Quand je fais signer un contrat d’apprentissage, j’explique que j’ouvre mon entreprise, je donne accès au savoir. Malheureusement, la télévision les influence beaucoup. Certains pensent que devenir pâtissier, c’est devenir une super star. La preuve, mes cours pour amateurs ne désemplissent pas depuis 8 ans. Mais ces émissions laissent penser aux gens que nous exerçons un métier facile … En réalité, le samedi et le dimanche, j’allume mon four à 2 h et demi du matin ! C’est pour ces raisons que l’on perd 7 jeunes apprentis sur 10. Si vous êtes passionné ça passe. Sinon, un jour vous arrêtez !

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Comment remettre les jeunes face à la réalité du métier ?

Tout commence avec l’orientation professionnelle, c’est primordial ! Je ne crois pas à la reconversion à 35 ans. C’est trop tard pour apprendre à se lever tous les matins à 5 heures. Du coup, il y a une casse énorme. Un métier doit se choisir à 15 ans. Et puis ça ne sert à rien d’allonger encore les circuits scolaires. Pour ma part, je ne conçois que la voie de l’alternance. On n’apprend pas le métier sur les bancs d’une école hôtelière.

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Y a-t-il encore un avenir pour les jeunes pâtissiers ?

Il y a un potentiel de fou ! J’ai acheté une boulangerie en faillite à Colombes il y a 11 ans : on a commencé à deux, aujourd’hui nous sommes seize. Parce je fais de la qualité ! Nous sourçons nos ingrédients, choisissons nos fournisseurs, sommes hyper stricts sur le recrutement du personnel. On est exigeants, la boutique ne tourne jamais sans ma femme ou sans moi. Il n’y a pas de secret, il faut être là.

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Quel message faites-vous passer à vos apprentis ?

On n’apprend pas dans la complaisance ! L’apprentissage, c’est de la souffrance, pour progresser et évoluer. Je reprends la phrase de Gabriel Paillasson (NDLR : seul à avoir obtenu les deux titres de meilleur Ouvrier de France Pâtissier et Glacier, également Maitre artisan Pâtissier-Glacier-Chocolatier) : » Dans un concours, les gagnants sont les perdants « . Quand tu gagnes, tu restes dans ta zone de confort. C’est quand tu prends une claque que tu apprends.

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Quelle est la principale difficulté à laquelle vous êtes confronté dans votre métier ?

Nous sommes très peu de boulangers à fabriquer nos propres croissants : je dirais au maximum 20 à 30 % en Ile de France. Et pourtant, nous sommes soumis aux mêmes contraintes sanitaires que quelqu’un qui achète un carton de congelé. Concrètement, si je fabrique un croissant dans ma boulangerie et que je décide de le passer en congélation, mon croissant sera estampillé du logo comme un produit industriel alors que c’est un croissant maison ! Je le déplore, car nous, les vrais artisans, ne sommes pas valorisés. Rien n’est fait pour mettre nos produits en avant. Moi, j’essaye d’offrir de la régularité à mes clients, c’est le plus important pour moi.

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Parlez-nous de votre motivation à rejoindre Tradition Gourmande ?

C’est une association de maîtres pâtissiers qui travaillent dans les règles de l’art, qui transmettent et aiment recevoir, tout en cultivant une ouverture d’esprit. Nous sommes une soixantaine de pâtissiers, boulangers et chocolatiers. Nous fabriquons tout de façon artisanale, nous n’achetons aucun produit surgelé. On aime notre métier et on forme des gens pour le faire perdurer dans la tradition. Je pense qu’il y aura malheureusement de moins en moins d’artisans. Avant, des boulangeries en faillite, ça n’existait pas. Les gens n’allaient pas en grande surface acheter leur pain ou les viennoiseries… Aujourd’hui, ils reviennent peu à peu à des produits de qualité. Mais tout ce qui est proposé est loin d’être élaboré dans les règles de l’art.

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Attendez-vous la même implication de la part de vos fournisseurs ?

Oui, très clairement. C’est pour cette raison que j’ai tout de suite proposé à Matfer Bourgeat de nous rejoindre lorsque j’ai intégré Tradition Gourmande. C’est une maison de référence. En petit matériel je ne travaille qu’avec Matfer : casseroles, pinceaux ; maryse, cercles … on partage le goût du travail bien fait, le respect de l’artisanat et le souci de la qualité des produits. C’est primordial d’avoir des produits toujours fabriqués en France à l’heure où certaines marques françaises fabriquent à l’étranger ! Globalement, la qualité baisse, c’est indéniable.

Quel regard portez-vous sur les jeunes apprentis ?

Je leur dis qu’on ne peut pas exercer notre métier en se limitant à travailler 7 heures par jour. Je reconnais qu’à l’époque où j’étais moi-même apprenti, il y a eu beaucoup d’abus. Mais on est passé à l’extrême inverse. Et puis je constate aussi un problème de formation. J’ai souvent réclamé que les formateurs soient contrôlés sur leur savoir et leur manière de transmettre. J’ai récupéré des apprentis qui ont ouvert des cartons de croissants ou fait la plonge pendant deux ans ! Il faut savoir donner envie aux jeunes. En même temps, le niveau du CAP Pâtissier a baissé. Aujourd’hui, le chocolat et la glace ne font plus partie du programme. On communique les recettes aux apprentis alors que nous devions les connaître par cœur ! Et connaître les recettes de base, comme la crème pâtissière, c’est la moindre des choses.

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L’impact de la télévision et des réseaux sociaux ?

Les émissions de télé donnent une fausse image du métier ! Les clients pensent que tout est réalisable en un temps record, cela devient même dévalorisant pour notre travail. Quant aux réseaux sociaux, je suis obligé de recadrer mes gars. Ils sont focalisés sur le visuel : l’esthétisme, les formes et les volumes. Il faut être conscient que les gâteaux que l’on voit à la télévision ou sur Instagram sont très collés en gélatine. Les textures sont très pâteuses ou dures pour privilégier le visuel et la tenue. À l’heure où l’on parle de produits naturels et de diminuer l’utilisation des colorants, on nous inonde de gâteaux pleins de couleurs qui explosent dans tous les sens ! Moi j’aime la pâtisserie simple, bien réalisée avec de bons produits. Je rappelle aussi souvent aux jeunes qu’entre mettre un gâteau sur Instagram et avoir une production en boutique, ce n’est pas la même chose. Si vous passez deux heures sur une finition de gâteau, comment faites-vous !

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Durant 18 mois, les équipes de Papillote et Compagnie et de Matfer Bourgeat